mercredi 5 septembre 2012

Walk with me




Les rues de mon quartier sont désertes, ce soir. Je marche, il fait nuit noire. L’écho de mes pas résonne autour de moi, je suis d’humeur urbaine. L’obscurité est mon domaine.
Il faut être frigide pour ne pas voir le sublime d’une banlieue résidentielle ennuitée. Il suffit d’un rien, et la beauté jaillit, fulgurante, à la faveur d’un recoin, d’une ruelle, d’une voiture qui vous illumine brusquement de ses phares avant de disparaitre en vous laissant des tâches de couleur dans les yeux, et qui s’estompent comme l’écho du moteur…

Perdition City.

Comme chaque nuit, je marche et je pense à toi, au visage muet qui se dessine dans les étoiles. Je marche et je te sens qui glisse à mes côtés. Cette nuit pourrait bien être la dernière nuit de tous les temps. Pourrait. Elle est semblable à toutes les nuits qui l'ont précédée, et – parions – à toutes celles qui viendront. A moins qu’il n’y ait jamais eu d’autres nuits, que cette nuit soit la seule qui ait jamais existé et que…

Peut-être est-ce là la vérité, tu entends ça l’ami ? Peut-être que nous marchions depuis le commencement du monde sans le savoir, que cette nuit qui ne finissait pas était… était quoi au juste ?

Dieu nous guette sur le toit des immeubles, je vois ses yeux qui nous scrutent. Ni malveillants, ni interrogateurs, simplement ils nous regardent comme ils regarderaient un caillou ou une fiente. Il nous scrute, tapi dans l’ombre des poubelles, dans le manteau du promeneur qui passe, décidé, volontaire. Je l’ai vu qui nous regardait par la fenêtre éclairée au deuxième étage de la maison, tout à l’heure, rue Victor Hugo je crois…

Je marche. Mes pieds ne sentent pas la douleur. Je n’ai pas faim, pas soif, je n’ai aucune envie de fumer ou d’écrire. Mon seul désir est de me noyer dans la nuit, de ne faire qu’un avec elle. Mon seul désir est de retarder le matin, indéfiniment, pour rester à tout jamais dans l’obscurité.

Je ne veux plus écrire, je refuse d’écrire un seul mot de plus. Je refuse de bâtir, de créer, de hiérarchiser, d’espérer, de respirer, de baiser. Je refuse le jour et sa clarté aveuglante, clinique. Je ne veux que la nuit.

Je marche, en priant pour que l’obscurité m’engloutisse. A jamais. Est-ce que tu peux comprendre toi ? Mon royaume c’est le silence, les réverbères qui clignotent faiblement, les chats apeurés qui se glissent derrière les murets en miaulant.

Come my friend, walk with me.



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